<dring, dring>
Opératrice <d'une
voix apaisante> : Bonjour, SOS Monstres privés
de droits civiques. Cindy à l'appareil. Que puis-je faire
pour vous ?
Orc <nerveux> : Salut. C'est
là le numéro pour nous, les pauv' monstres ?
Opératrice : Oui, Monsieur. Quel semble être
le problème ?
Orc <sarcastique> :
Y'a pas de "semble". Moi et mes gars on s'est fait
botter l'cul, on s'est fait écraser, du genre.
Opératrice
<compatissante> : Oh mon Dieu. Je suis désolée
d'entendre ça, Monsieur. Puis-je vous demander votre nom ?
Orc <suspicieux> : Qui veut l'savoir ?
Opératrice <patiente> : C'est juste pour
les formalités, Monsieur.
Orc <très suspicieux>
Ben, vous pouvez leur dire à ces Formajsaispasquoi que c'est
pas leurs putains d'oignons.
Opératrice <avec la
patience d'une Sainte> : Non, Monsieur. Je voulais juste
savoir comment je devais vous appeler.
Orc <fièrement> :
Oh, j'vois. Ouais. J'm'appelle Chef Forgesang, Fléau des
Nains du Pic Noir, Exterminateur du Foyer des Halflings, Eviscérateur
des Terres Elfiques et Redouté Guerrier du Clan du Crâne
Noir.
Opératrice <nerveuse> : D'ac...
cord... et vous avez un autre nom, Monsieur ?
Chef Orc
<dans un chuchotement à peine audible> : Ouais...
mon vrai nom, c'est Georges.
Opératrice :
D'accord. "Georges". Maintenant, vous m'avez dit que vous
et votre clan vous avez eu quelques problèmes ?
Chef Orc : T'à-fait. C'est ces zumains, 'sont
venus chevaucher jusqu'à notre camp la nuit dernière,
et puis z'ont commencé à s'en prendre à nous.
On f'sait juste s'occuper d'nos affaires, on leur avait rien fait.
Opératrice : Je vois. Et est-ce que ces humains
ont vraiment fait des victimes, Georges ?
Chef Orc :
Chais pas. Voyez, quand y sont arrivés, mes jambes sont parties,
avec moi d'ssus, si vous pigez c'que j'veux dire.
Opératrice
<diplomate> : Vous avez décidé de battre
tactiquement en retraite avec vos forces pour lancer une contre-attaque ?
Chef Orc <hésitant> : Ouais, du genre.
J'ai juste oublié d'réveiller les gars avant.
Opératrice : Que s'est-il passé ensuite ?
Chef Orc : Ben , quand j'ai fini d'grimper à la
montagne au-d'sus du camp, j'pouvais voir des combats, ce genre
de truc.
Opératrice : Les humains attaquaient
les frères et les soeurs de votre clan, en combat à
mort ?
Chef Orc :T'à-fait. Et y gagnaient,
aussi.
Opératrice : Qui, les membres de votre
clan ?
Chef Orc : Nan, les zumains.
Opératrice :
Oh. Je vois. Je suis désolée. Donc, que s'est-il passé
après la fin de la bataille, Georges ?
Chef Orc :
Ben, j'descends d'la montagne jusqu'au camp, et j'commence à
m'mettre en colère et à engueuler mes gars, parce
qu'y z'avaient laissé les zumains leur botter l'cul.
Opératrice : Et qu'ont-ils répondu ?
Chef Orc : Rien. Z'étaient tous morts.
Opératrice
<compatissante> : Je suis tellement désolée
pour vous, Georges <rire étouffé>. Hum. Donc,
que peut faire exactement pour vous SOS monstres privés de
droits civiques ?
Chef Orc : Ben, j'espérais
en quèque sorte qu'vous m'trouveriez un autre clan.
Opératrice
<incrédule> : Je vous demande pardon ?
Chef Orc : Ouais. V'savez. Un qui sait vraiment
s'battre.
Opératrice : Je suis désolée,
Georges. Nous ne distribuons pas des clans à tout le monde
comme des bonbons, vous savez.
Chef Orc <pause> :
Oh. Dans c'cas, j'voudrais m'faire adopter.
Opératrice
<tombant presque de sa chaise> : J'ai bien entendu ?
Vous voulez être adopté ? Par qui, exactement ?
Chef Orc : Par n'autre clan, bien sûr.
Opératrice :
Je suis désolée, Georges, mais cela ne fonctionne
pas comme cela.
Chef Orc <s'énervant> :
Alors c'est quoi l'but de c'te service d'aide si vous pouvez pas
m'aider ?
Opératrice : Nous sommes là
pour écouter les plaintes des monstres dans la société.
Nous sommes là pour offrir un support, une oreille attentive
et de la compassion aux rejetés de la société.
Chef Orc : Z'avez des armes en rab ?
Opératrice
<patiente> : Non.
Chef Orc : Quelques
haches ?
Opératrice : Non.
Chef
Orc : Et une ou deux épées, haches ou dagues ?
Opératrice <patiente> : Non. Non et non.
Chef Orc : Et des...
Opératrice <l'interrompant> :
Ecoutez, Georges. Nous n'avons aucune arme. Aucune. Pas de
dagues, de couteaux, de haches, d'épées, de hallebardes,
de glaives, de massues, de fléaux, d'engins thermo-nucléaires
de destruction massive, d'arcs, de pistolets, de barils de poudre,
de canons à eau, de balles en caoutchouc, d'épluches-légumes,
de bâtons anti-émeutes, d'étourdisseur électrique,
de fusils de snipper, de garrots, d'arbalètes, de katanas,
de mines anti-personnel ou de grenades.
Chef Orc <déçu> :
Oh.
Opératrice : Tout ce que nous avons,
c'est un tas de compassion.
Chef Orc : Un Tas d'Compassion ?
ça marche comment ? Vous l'jetez sur les gens d'puis
une grande hauteur, p't'être ?
Opératrice
<frustrée> : Tas de compassion, Georges. COMPASSION,
pas COMPRESSION.
Chef Orc : Oh. Alors y'a rien qu'vous
puissiez faire pour m'aider, c'ça?
Opératrice :
Pas vraiment, non.
Chef Orc : J'vois. Alors c'te
conversation était un peu inutile, hein ?
Opératrice :
Oui, je suppose qu'elle l'était, en effet.
Chef Orc :
Et ça sert à rien d'continuer plus loin ?
Opératrice : Exact.
Chef Orc :
Pasque vous z'avez pas d'armes ?
Opératrice :
Non.
Chef Orc : Même pas en promotion ?
Opératrice : Non.
Chef Orc :
Ou même à m'prêter ?
Opératrice :
Non. Chef Orc : J'vois.
Opératrice :
Vous comprenez maintenant, Georges ?
Chef Orc :
Ouais, j'comprends, Sinedi.
Opératrice :
Bien. Je suis heureuse que nous ayons éclairci ce petit malentendu.
Je commençais à croire que j'avais à l'appareil
le chef orc le plus stupide de toute l'Histoire, pendant un moment.
Chef Orc <riant> : Ouais <petit rire>
J'pense bien.
Opératrice <riant elle aussi> :
Bien. Y a-t-il quelque chose d'autre que je puisse faire pour vous,
Georges ? Le Centre pour les Monstres Privés de Droits
Civiques a un abri, si vous en avez besoin...
Chef Orc <excité> :
Waheeyy ! J'savais bien qu'vous aviez quèque chose.
Sûr ! J'le prends. C'est quoi sa portée d'feu ?
Y fait combien d'dégâts ? L'a besoin d'combien
d'gars d'dans ?... <repeat ad infinitum>
Fondu sur l'opératrice <en sanglots>
D'après un texte posté
sur uk.games.roleplay, © Harvey Kennett 2000 (essexnet@enterprise.net).
Traduction :
Pierre Gavard-Colenny. Date de mise en ligne : 01/09/2000